Michel Moglia


Sahara depuis le Tassili N’Ajjer.
Photo : Michel Moglia

Les influences.

Le sable des dunes et le feu du ciel
Pour de mystérieuses raisons, le Sahara, d’une part, et puis aussi le feu sous toutes ses formes ont exercé dès mon enfance un attrait singulier . Je rêvais souvent d’écouter le chant des dunes sous les feux d’un soleil aussi immense que le ciel…
Mes rêves n’ont pour moi un intérêt véritable que lorsque je parviens à les confronter à la réalité.
Je suis donc allé vivre quelques années dans la zone sahélienne, au Niger, au Burkina, puis j’ai traversé le Sahara en plein mois de juillet et cela a vraiment chamboulé ma vie.
J’ai appris la relativité des modes de pensée, des cultures, des musiques, des aspirations de chacun en fonction de l’endroit où il vit, j’ai appris la relativité du confort.
Et puis surtout, j’ai appris la relativité de ma propre pensée, de mes jugements esthétiques naguère définitifs. j’ai appris à me méfier de ceux qui croient savoir, de ceux qui avancent avec certitude…
A mon retour d’Afrique, j’ai abandonné sans regret mes quatorze années d’étude de la musique classique et je me suis lancé dans diverses recherches visuelles et sonores en me concentrant sur les transferts d’énergie.
Tous les territoires thermiques sont devenus pour moi des terrains d’aventures où l’on peut s’aventurer et même, parfois, s’enliser…
Le feu est ainsi devenu mon interlocuteur privilégié, une sorte de double de moi-même tant il est à la fois changeant tout en conservant sa forte identité propre.

Sur le site de la Centrale thermique de PERM Oural. Entre eau et feu : création d’un Cœur Thermique
Photo Association Orgue à feu

Le sable, les terres et le feu : c’est le plus souvent le territoire des potiers. J’ai commencé par emprunter ce chemin mais les céramistes ont peur des flammes. Ils les enferment dans des prisons qu’ils appellent « fours » . Le feu se venge en se cachant à leurs yeux, en agissant en douce, de façon définitive, derrière les murs de briques et d’acier. Lorsque le four est ouvert et froid, le feu s’est enfui, la magie aussi.
Je devais par conséquent travailler d’une autre façon : J’ai imaginé une technique spécifique en étendant de fines couches de terre sur des armatures inoxydables. Au lieu d’enfermer le feu dans une cage, je l’ai aidé simplement à devenir plus puissant , plus véhément, parfois vraiment violent.
Je saute en quelques minutes à plus de mille degrés dans une sarabande infernale de chiffres du pyromètre et la fusion des minéraux commence, une fusion que j’observe, que j’accompagne, que je renforce parfois à l’aide de multiples chalumeaux ou que je refroidis dans un délicieux nuage de vapeur blanche qui m’enveloppe.
Mon rêve est devenu réalité. J’ai remplacé les pinceaux par mes brûleurs, la toile par ma toile d’argile scarifiée par la flamme, quelquefois tendue sur une armature métallique en forme de pirogue.
J’obtiens alors des « boucliers » au sens large, des surfaces qui séparent deux mondes opposés, des terres tendues qui protègent et garderont éternellement la mémoire de leur rencontre avec le feu.Ces surfaces craquelées, parfois d’apparence fragile mais qui, en réalité, vont défier le temps comme n’importe quel minéral ancré de surcroît dans le métal, sont l’une des deux faces de ma création. De l’autre côté, la flamme, dans les entrailles de de mes orgues à feu, vibre et parfois rugit comme un lion dans la savane.

On serait, parait-il, soit peintre, soit photographe,soit musicien, soit ? … Je suis juste vivant… Pour le moment.

Etigny, le 11 Février 2023